Dans les jours qui avaient suivi la découverte de la droïde abandonnée dans la décharge publique, Eve s'était plongée corps et âme dans sa restauration. Chaque instant passé dans son atelier de bricolage de fortune semblait comme suspendu dans le temps, alors qu'elle s'affairait avec une détermination farouche, telle une alchimiste moderne cherchant à insuffler une nouvelle vie à une créature mécanique oubliée.

Avec une minutie méticuleuse, Eve s'attelait à réparer les dommages, à remplacer les pièces usées par le temps, à redonner à la droïde sa splendeur d'antan. Sous ses doigts agiles, la carrosserie éraflée retrouvait peu à peu son éclat, les circuits endommagés reprenaient leur fonctionnement normal. Chaque geste était empreint d'une tendresse inattendue, d'une compassion silencieuse pour cette créature de métal abandonnée à son sort.

Au fur et à mesure que les jours passaient, Eve sentait naître en elle un lien indéfinissable avec la droïde. Un lien qui dépassait de loin la simple relation entre un créateur et sa création. Une connexion profonde, presque mystique, qui semblait transcender les limites de la réalité. Et tandis qu'elle travaillait sans relâche, Eve se laissait emporter par cette étrange sensation, se laissant guider par une force invisible qui la poussait à aller toujours plus loin, à ne jamais abandonner.

Dans l'atelier obscur, au milieu des outils et des pièces de rechange, Eve et la droïde formaient un duo improbable, un duo dont le destin était désormais inextricablement lié. Et tandis qu'elle poursuivait son œuvre de rédemption, Eve se surprenait à espérer que cette créature de métal retrouverait un jour sa place dans ce monde, grâce à l'amour et à la dévotion sans faille d'une âme généreuse et bienveillante.

Dans l'obscurité feutrée de son atelier, Eve était absorbée par sa tâche, ses mains habiles manipulant avec délicatesse les pièces mécaniques de la droïde endommagée. Le labeur avait modelé son visage, y creusant des sillons marqués par la détermination et la passion qui l'animait. Chaque composant, chaque câble torsadé, était un défi à surmonter, une énigme à résoudre.

Pourtant, malgré ses efforts, il manquait toujours quelque chose, un élément crucial qui échappait à son emprise. La carte mère, noyau vital de la droïde, était irrémédiablement corrompue, ses circuits ravagés par les affres du temps et de la négligence. Eve le savait, même si elle refusait de l'admettre, c'était là le véritable cœur du problème, le nœud gordien qu'elle devait trancher pour redonner vie à la machine inerte.

Ses doigts caressaient avec précaution les contours de la carte mère, comme pour en extraire les secrets enfouis dans ses méandres électroniques. Elle avait tenté toutes les méthodes connues, tous les artifices de son art, mais rien n'avait pu réveiller le souffle de vie qui semblait s'être évanoui avec les circuits endommagés. Pourtant, dans les prunelles déterminées d'Eve, brillait toujours l'étincelle de l'espoir, la conviction profonde qu'il existait une solution à chaque problème, aussi complexe soit-il.

Ainsi, elle se replongea dans son travail avec une ferveur renouvelée, ignorant les doutes et les incertitudes qui assaillaient son esprit. Elle était prête à affronter l'adversité, à défier les lois de la mécanique et de la technologie pour réaliser son dessein. Car pour Eve, chaque obstacle n'était qu'une invitation à repousser les limites de son savoir et de sa créativité, à explorer les frontières de l'impossible pour atteindre les sommets de l'accomplissement. Et tant que la flamme de la détermination brûlerait en elle, rien ne pourrait l'arrêter dans sa quête de rédemption pour la droïde abandonnée.

Dans l'atmosphère feutrée de son garage, Eve replongeait dans les souvenirs, capturant chaque éclat de collaboration passée avec le programmeur talentueux, telle une archéologue scrutant les vestiges d'un monde disparu. Les images de leurs travaux conjoints dansaient dans son esprit, vibrant d'une énergie créatrice qui semblait résonner encore dans l'air chargé d'électricité.

C'était comme retrouver une vieille amitié, une complicité silencieuse forgée dans les méandres du code et de la technologie. Elle se remémorait les moments où leurs esprits s'étaient rencontrés, fusionnant leurs idées et leurs compétences pour repousser les frontières de l'impossible. Dans ce ballet harmonieux de bits et d'octets, elle avait découvert une nouvelle facette d'elle-même, une force insoupçonnée qui sommeillait au plus profond de son être.

Mais aujourd'hui, elle se tenait face à un défi de taille, une impasse technologique qui menaçait de faire échouer ses efforts. Elle avait besoin de lui, de son génie créatif et de sa maîtrise des arcanes du code, pour réanimer la carte mère de ce droïde déchu. Et même si le doute l'assaillait parfois, elle savait qu'elle pouvait compter sur lui pour la soutenir dans cette épreuve.

Le message qu'elle envoya était comme une bouteille à la mer, porteur de son espoir et de sa détermination. Elle ne savait pas s'il parviendrait à destination, si la voix de son ancien complice se ferait entendre à nouveau dans sa vie. Mais elle refusait de céder à la résignation, de baisser les bras devant l'adversité.

"Bonjour, c'est Eve, je sais, ça fait un bail. Je suis face à une impasse, j'ai besoin de reprogrammé la carte mère d'un droïde qui j'ai trouvé et réparé. Garage Chez Max si tu veux bien m'aider, j'offre les bières et les pizzas."

Quand la réponse tant attendue arriva, c'était comme une bouffée d'air frais dans la chaleur étouffante de l'incertitude. Dans ses mots simples et sincères, elle entendit l'écho de leur passé commun, le murmure d'une promesse tacite de solidarité et de soutien. Et dans cet instant fugace, elle sut qu'elle n'était pas seule dans sa lutte, qu'elle avait trouvé un allié fidèle dans la bataille pour redonner vie à ce droïde abandonné.

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Dans son antre mécanique, Eve avait orchestré chaque détail de cette rencontre comme un maestro dirige son orchestre avant le lever du rideau. Les pizzas, symboles de convivialité et de partage, trônaient au centre de la table, offrant un éventail de saveurs allant de la traditionnelle quatre-fromages à l'audacieuse alliance de merguez et de chorizo, un hymne à l'explosion des sens.

Les bières, soigneusement sélectionnées pour leur diversité de goûts et de textures, attendaient patiemment dans le réfrigérateur, prêtes à étancher la soif de deux âmes en quête de réponses. Eve avait choisi des bières locales, chacune racontant une histoire, chaque gorgée révélant un nouveau chapitre de cette nuit qui s'annonçait prometteuse.

Assise à son poste de commandement, elle observait avec une excitation palpable l'arrivée imminente de son invité, se demandant quelles réponses, quelles découvertes cette soirée allait apporter. Car derrière la façade d'une simple réparation de droïde se cachait une quête plus profonde, une quête de rédemption et de compréhension, une quête qui les conduirait peut-être au-delà des frontières de ce monde mécanique pour atteindre les tréfonds de l'âme humaine.

En recevant l’invitation d’Eve, Shadow avait été initialement circonspect. Son naturel méfiant à la limite de la paranoïa le frappa en pleine figure à ce message inattendu, et le fait qu’il soit redirigé vers le réseau sécurisé qu’il avait configuré pour n’être accessible que de la discussion qu’ils avaient déjà ouvert au préalable le rendait anxieux autant qu’il le rassurait. Sa réticence à s’approcher de simples citoyens s’expliquait autant par le besoin de se protéger que par celui de les protéger, eux. Pour l’atteindre, certains traqueurs n’hésiteraient pas à passer par les rares contacts qu’il possédait en ville et il était possible, même si improbable, que quelqu’un ait nui à Eve pour le joindre et le duper ainsi.
Il lui avait fallu un moment pour calmer ses inquiétudes et vérifier la situation de la mécanicienne. Leur histoire remontait à peu de temps mais s’était tissée assez vite. Il avait aimé sa compétence dans la conception de drones et avait pris sur lui pour l’aider de son propre chef à les programmer pour atteindre leur véritable potentiel. La collaboration par messagerie avait évolué pour se faire en personne. Même si Shadow réalisait très bien que rien de particulier ne se passerait jamais avec elle, il avait vu en elle une humanité rare, humanité qu’elle portait sur les machines dans cette ère si complexe et hostile à l’humain. Il aimait sa présence. Elle le raccrochait à sa propre humanité.
Alors, rassuré quant à sa situation et à sa sécurité, il confirma le rendez-vous d’un simple « K » laconique, agrémenté quelques secondes plus tard d’un emoji souriant.

Il fallait bien avouer que la nouvelle affaire l’intriguait. Elle s’était lancée dans la réparation d’un Droïde dont la carte-mère avait failli ? C’était bien son genre ! Il la voyait bien comme quelqu’un capable de remettre sur pieds tout ce que la société mettait au rebus sans y penser à deux fois, sans y donner une réflexion. Durant son temps au sein d’Omnisys, Jackson Lee avait lui-même fait preuve de peu d’estime pour le destin des machines détaillantes, apprenant bien plus tard la mesure de l’humanité et la véritable teneur des revendications de groupes comme les Furies Mécaniques.
Souvent, évoquer bières et pizza était une façon traditionnelle d’annoncer une soirée. Le fromage et la viande étaient des denrées de luxe dont il ne s’attendait pas à sentir les effluves gras en entrant, tandis que la bière, la vraie, était un art qui s’était plutôt perdu après la fermeture des microbrasseries en vogue au début du siècle. Il était difficile de mettre la main sur autre chose que de l’eau coupée à la pisse aujourd’hui, pour être honnête. Il ignorait encore quelle valeur Eve pouvait mettre sur son amitié – ou, peut-être, sur cette réparation sensible –.
La porte se déverrouilla peu après son arrivée devant celle-ci et se reverrouilla derrière lui. L’odeur de nourriture et d’huile lui agressa les narines avec une familiarité déconcertante, et il s’enfonça dans l’antre du Mur, Eve Wall, ingénieure extraordinaire de son état.
Il arriva rapidement en vue de la table chargée de victuailles et ne put s’empêcher d’arrondir les yeux sous des sourcils arqués en remarquant la qualité et la diversité des victuailles laissées là. Comme il saisissait une des bières authentiques pour l’examiner, le bruit des bottes de sécurité claquant sur le métal lui annonça l’approche de son amie.

La Révolution a eu lieu et personne ne m’a informé, la taquina-t-il ?

Il se tourna dans la direction du bruit comme il la sentait désormais proche et il lui sourit en la saluant, bière tendue, encore fermée.

C’est très… Merci ! Comment vas-tu ?